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39-45 Stratégie > Articles historiques > Pages d'Histoire > Bataille de l'Atlantique >

Sommaire

Créé le : 9/4/2005
Auteur : Zeedap


"39-45 Stratégie" vous propose pour enrichir vos connaissances et ne pas laisser tomber dans l'oubli de nombreux documents écrits au lendemain de la seconde guerre mondiale, de découvrir ou redécouvrir les aspects de différentes batailles ou évènement de ce second conflit mondial tel qu'il furent présentés par l'ouvrage «Mémorial de la seconde guerre mondiale aux éditions « Sélections du Reader’s Digest » à la fin des années soixante. Tous ces textes et images ont été retranscrits et numérisé grâce au concours d'un de nos lecteur, connu sous le pseudo d'Albanovic.

 

La Bataille de l'Atlantique

 

 
 


(Historia Magazine n° 53
du 21 novembre 1968)

   

SOMMAIRE

Le sujet étant extrêmement vaste, l'article a été scindé en trois parties séparées que vous pourrez atteindre à l'aide du sommaire ci-dessous

1. La protection des routes maritimes

2. Triomphe des U-boote

3. Histoires d'U-boote (torpillage du Laconia et attaque de Scapa Flow)

4. Annexes (les escorteurs, avions engagé, sonar, chronologie)
 

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PARTIE 3 : Histoires d'U-boote

     

A. Le torpillage du "Laconia"

   



A. Le torpillage du "Laconia"
(septembre 1941)

 

 

Excepté les hommes du poste de garde, les officiers et marins de service de nuit, tout le monde dort, boulevard Suchet, dans l'immeuble bariolé, camouflé comme un navire de guerre, où siège le B.d.U. Doenitz dort, son chef d'état-major, Godt, dort, comme son chef des opérations sous-marines, Günter Hessler. Soudain, un message capté par la station de Sainte-Adresse (Melun) est transmis par la ligne téléphonique spéciale qui la relie au B.d.U. Aussitôt, il est décrypté par l'officier de service qui lit :

"13-9. Atlantique vers Freetown Qu. Et. 5775 S. 1. 2 Meer 1, 7 1100.400. Couvert vue 4 milles. Coulé l'anglais LACONIA Qu. 7721 — 310°. Malheureusement avec 1 500 prisonniers italiens. Jusqu'à maintenant 90 repêchés. Hartenstein."

Un « aviron tordu », une sale histoire, c'est bien évident. L'officier va réveiller Günter Hessler et Godt, qui prennent connaissance de ce message exceptionnel. Son contenu vaut la peine de tirer l'amiral de son sommeil... Les voici réunis quelques instants plus tard dans la salle des cartes. L'amiral Doenitz relit le télégramme de Hartenstein pour la troisième fois, à haute voix, selon l'habitude, en martelant les mots.


 
 
Le Laconia
  — Si je comprends bien, dit-il enfin, Hartenstein a coulé dans l'Atlantique, à 300 milles au nord-est de l'île de l'Ascension, le Laconia, et ce bateau transportait des soldats italiens faits prisonniers en Libye. 1 500, diable ! C’est beaucoup. Hartenstein en a repêché 90. Il précise « jusqu'à maintenant », donc le sauvetage continue.

Puis l'amiral consulte le grand-livre du shipping anglais et lit : « Laconia. Lancé le 15 mai 1922 à Newcastle. Port d'attache : Liverpool. 19 695 tonneaux, longueur 183 mètres, largeur 22 mètres, vitesse 16 noeuds. Cunard White Star Line. »

 

Selon son habitude, Doenitz regarde successivement Godt, Hessler, et demeure un instant silencieux, puis il interroge :
Qu'en pensez-vous, Godt ?

L'U-156 fait partie du groupe « Eisbär » (Ours blanc) avec l'U-68 (C.C. Merten), l'U-172 (L.V. Emmermann), l'U-504 (C.C. Poske); il devait rencontrer dans l'Atlantique Sud, la « vache à lait », U-459 (C.C. von Wilamowitz-Millendorf), pour se ravitailler en combustible et en vivres avant d'aller opérer dans l'océan Indien. Ce torpillage du Laconia et surtout ce sauvetage des italiens bouleversent tous les plans. Je pense que Hartenstein doit stopper le sauvetage et continuer l'opération entreprise.

Et vous, Hessler ?

Le Laconia a certainement donné sa position avant de couler; il faudrait savoir cela. Dans l'affirmative, la situation de l'U-156 ne va pas tarder à être critique ; il va être attaqué par des forces ennemies. Mon avis ? Hartenstein doit immédiatement arrêter son sauvetage, remettre les italiens repêchés dans des embarcations et filer. L'opération dans l'océan Indien ne doit pas être compromise.

Doenitz a écouté avec attention ses deux officiers. Il sait Godt pondéré, Hessler, plus jeune, fougueux, combatif.

Quels sont les sous-marins les plus proches du carreau 7-721? demande-t-il soudain.

L'U-506 et l'U-507 sont à une cinquantaine d'heures à 15 noeuds, répond Hessler. La « vache à lait » de Wilamowitz est plus loin.

Doenitz a pris sa décision. Sur le bloc des télégrammes, il écrit lui-même deux F.T. :

 

- Schacht — groupe Eisbàr — Würdemann, Wilamowitz. Allez immédiatement vers Hartenstein à Qu FF 7721 à toute vitesse. Schacht et Würdemann donnez position.

- Hartenstein. Prévenez-moi immédiatement si navire a envoyé FT de secours. Les naufragés sont-ils sur les canots de sauvetage? Plus de détails sur le lieu du naufrage.

L'opération de sauvetage du Laconia, mise en branle par l'amiral Doenitz, avait commencé, malgré l'opposition de Godt et de Hessler.

 

En mer, revenant des côtes brésiliennes, le capitaine de corvette Haro Schacht, commandant de l'U-507, ayant capté le message, répondait aussitôt :

A 15 noeuds, je me dirige vers le point de torpillage dont je suis éloigné de 750 milles. Peux m'y rendre en deux jours. Schacht.

Würdemann, commandant de PU-506, déjà renseigné par le message de l'U-156, n'avait pas attendu l'ordre du B.d.U. pour se diriger à toute vitesse vers le 7-721. Ayant donné sa position au « Lion », il précisait qu'à 14 noeuds, il se dirigeait vers le lieu du naufrage.

Wilamowitz avait estimé que sa « vache à lait », l'U-459, était trop éloignée pour intervenir utilement et il l'avait fait savoir au B.d.U., qui avait approuvé.

 

Dès lors, ni l'amiral ni son petit état-major, boulevard Suchet, ne devaient avoir le moindre repos. « Je ne distinguais plus le jour de la nuit », devait dire, plus tard, l'amiral Doenitz.

Berlin avait été averti et l'amiral s'attendait à une vive réaction de la part de Hitler.

 

 
 
L'U-156 sous le feu

A minuit, le commandant de l'U-156, après avoir écouté les récits de quelques Italiens, écrivait sur son journal personnel :

"00 H. 7722 — SO 3.4. visibilité moyenne. Mer calme. Ciel très nuageux. D'après les informations des Italiens, les Anglais, après avoir été torpillés, ont fermé les cales où se trouvaient les prisonniers. Ils ont repoussé avec des armes ceux qui tentaient de rejoindre les canots de sauvetage ... Le récit qui suivait était atroce.

Pendant ce temps le Ier W.O, l'enseigne de vaisseau Mannesmann, comptait les naufragés à bord, et il était effaré par leur nombre, qui augmentait de minute en minute.

A 3 heures du matin, Hartenstein et lui faisaient le point dans la minuscule chambre du commandant — une couchette, un petit bureau, séparés de la coursive par un simple rideau.

 

193 naufragés à bord, annonçait Mannesmann, et encore ce chiffre varie-t-il à chaque instant.

II faut répondre au message du « Lion » demandant la situation, dit Hartenstein, qui écrivit :

"Ft. 0437. 13. Le bateau a télégraphié l'endroit exact. J'ai à bord 193 hommes, parmi eux 21 Anglais. Des centaines de naufragés surnagent avec des ceintures de sauvetage." Il hésita un moment avant d'ajouter : Propose neutralisation diplomatique du lieu l'engloutissement. D'après écoute radio un navire inconnu était tout près du lieu du naufrage. Hartenstein.

L'opérateur radio du Laconia avait donné le point dans son message demandant du secours, avant de couler :

"S.S.S. S.S.S. — 04.34 sud 11.25 ouest — Laconia torpillé." Ce S.S.S. au lieu du S.O.S. habituel, voulait dire : « Nous sommes attaqués par un sous-marin. »

A chaque instant, le commandant de l'U-boot s'attendait à être attaqué par un destroyer ennemi ayant appareillé à Freetown. Transmettez immédiatement ce message à Paris, dit Hartenstein à Mannesmann et priez Polchau de venir.

 

Wilhelm Polchau était le lieutenant-ingénieur de l'U-156. L'équipage disait de lui que c'était une « machine à calculer », ou encore une « assurance sur la vie ». Tous les problèmes de la plongée lui étaient familiers.

Nous allons faire un essai de plongée, Polchau, lui dit Hartenstein.

Avec les naufragés à bord ?

Oui, tous ceux qui sont sur le pont descendront à l'intérieur du bâtiment. Est-ce possible ?

— Possible, oui, mais risqué, très risqué.

— Il vaut mieux tenter cette expérience cette nuit. Nos passagers exténués dorment ou sommeillent. Allons-y !

Un quart d'heure plus tard, l'U-156, sous marin de 1 120 tonnes (surface), avec 250 individus à son bord descendait à 50, 60 100 mètres sous la surface de la mer et ce durant une heure vingt-trois minutes.

 

   

 

Le Commandant Werner Hartenstein sur le pont du U-156

Jamais Wilhelm Polchau n'avait accompli pareil exploit. Désormais, Hartenstein savait qu'en cas d'attaque il pourrait plonger. Certes il ne pourrait pas le faire en trois ou quatre minutes, temps serré, obtenu grâce à un en traînement intensif. En tout cas, il ne demeurerait pas en surface, offert aux coups de l'ennemi.

Plonger! C'était précisément le souci de Doenitz à Paris, c'était celui de l'état-major de la marine auprès du Führer, à Berlin...

La nuit du 12 au 13 septembre n'avait été pour eux, qu'un échange de télégrammes, de coups de téléphone, de «conférences»...

 

Le Führer avait pris connaissance de ce qui devait être « l'affaire du Laconia » : « Hitler est mécontent, avait téléphoné l'amiral Fricke et il vous prie instamment, si vous continuez; les opérations de sauvetage, de ne prendre aucun risque pour les U-boote. »

A l'aube du 13 septembre, Hartenstein et son équipage, exténués, découvraient une mer couverte d'épaves, de canots chavirés de chaloupes chargées à couler bas, de cadavres. De petits requins semaient la panique parmi les survivants. A 5 h 50, après avoir bien réfléchi aux risques qu'il allait courir Hartenstein envoya d'abord sur 600 mètre: de longueur d'onde, puis sur 25 mètres, un message en anglais :

If any ship will assist Me wrecked Laconia crew, I shall not attack her, provided I am no attacked by ship or aircraft. I picked up 193 men 1° 52' south, 11 ° west. German submarine.

Godt et Hessler, qui avaient trouvé que la première demande de neutralisation de la zone du sinistre faite par Hartenstein était pure folie, crièrent au suicide quand ils apprirent ce dernier message. Très soucieux Doenitz réfléchissait. Il était évident que Hartenstein perdait son sang-froid. On l'aurait perdu à moins. Il était donc indispensable de l'aider avec de plus puissants moyens. Pour cela, il fallait mettre les Italiens « dans le bain ». Après tout, il s'agissait du sauvetage de leurs compatriotes ! Aussitôt, Doenitz demanda à l'amiral Parona, chef du Betasom à Bordeaux, d'envoyer un ou plusieurs de ses sous-marins pour participer à l'opération de sauvetage. Parona accepta et désigna le Cappellini, commandé par le lieutenant de vaisseau Marco Revedin.

Dimanche 13, 7 heures. Hartenstein constate qu'on a embarqué sur son sous-marin non seulement des Italiens, mais des Britanniques, des femmes et des enfants. Il a aussitôt donné sa couchette à une femme. Partout, dans le bâtiment, des hamacs sont disposés et des naufragés y reposent. La soupe, le café, sont distribués à grandes gamelles. Le cuisinier est l'homme du bord le plus occupé. Un certain Dr Purslow, médecin à bord du Laconia, se dépense sans compter malgré ses blessures. Beaucoup de naufragés ont les fesses et les talons coupés net par les petits requins accourus. Une nurse, miss Hawkins, réconforte les femmes, s'occupe des enfants. Les familles sont dispersées et certains recherchent les leurs sur les canots en vue, parmi les nouveaux embarqués.

— L'U-506 et l'U-507 ne peuvent arriver avant une trentaine d'heures au minimum, dit le commandant de l'U-156, à son 1er W. O. Tiendrons-nous jusque-là ? Avec le jour, nous risquons d'être attaqués; que les veilleurs ouvrent l'oeil. Aucun ne doit se laisser distraire par les opérations de sauvetage.

A 7 h 20, le quartier-maître radio de l'U-156 capte le message suivant :

"Hartenstein. Restez sur les lieux du sinistre, paré à plonger. Les sous-marins participants ne doivent prendre que le nombre de naufragés pour pouvoir plonger. Neutralisation suit."

 
 

A 8 h 31, Anglais et Italiens étaient transférés dans les canots pour alléger le sous-marin. A 9 heures, les marins relevaient encore des embarcations retournées, donnaient vivres et médicaments. Interrogeant les officiers anglais, Hartenstein avait appris que le Laconia possédait 32 canots de sauvetage, 40 grands radeaux, de nombreux petits flotteurs. Moyens de sauvetage insuffisants pour près de 3 000 passagers. D'ailleurs, plusieurs canots avaient été détruits par l'explosion des torpilles et la gîte qu'avait prise aussitôt le navire avait empêché les embarcations de tout un côté d'être mises à la mer. Les naufragés se plaignaient aussi : les canots ne contenaient que peu de vivres et d'eau, les boîtes à médicaments étaient vides, le désordre avait été grand lors du naufrage.

Doenitz, heure par heure, suivait la situation. Maintenant, il comprenait que Hartenstein et son équipage se trouvaient à l'origine d'un des plus grands drames de la mer. Trois, quatre sous-marins ne suffiraient pas pour sauver tant de monde !

 

 
 

D'autre part, les messages en clair et même en code avaient été sûrement captés par les Anglais et, bientôt, les sous-marins, réunis dans le carré 7-721, se trouveraient exposés aux coups de la marine et de l'aviation ennemies. Il fallait faire vite et mieux. Si d'autres bâtiments, plus grands, venaient prendre les naufragés, cela libérerait les sous-marins ...

L'aide des Français ? Pourquoi pas ? Ils avaient de grands croiseurs à Dakar, des avisos coloniaux qui, le long de la côte d'Afrique, protégeaient leurs petits convois de ravitaillement.

Doenitz, dans la matinée du dimanche, mit en branle les commissions d'armistice, celle de Wiesbaden entre Allemands et Français, celle de Turin où siégeaient les Italiens et les Français. Il y eut de nombreuses conversations téléphoniques entre Paris, Vichy, Wiesbaden, Turin, Berlin. L'amiral Collinet, commandant de Marine-Dakar, décida de faire appareiller le Gloire, de Dakar, le 14 septembre dans la soirée, de détourner les avisos Annamite et Dumont-d'Urville; le premier, escortant le cargo Carimaré, faisait route vers Conakry, le deuxième était à l'ancre devant Cotonou.

Ces navires reçurent l'ordre de se diriger à toute vitesse vers le point 40 52' S. 11° 22' O. où ils devaient rencontrer les sous-marins allemands et le Cappellini. Des précisions étaient données sur les signaux de reconnaissance.

 

Pendant toutes ces négociations, l'U-506 forçait de vitesse vers le point où avait disparu le Laconia. Enfin, le 15 septembre, à 11 heures, Hartenstein voyait arriver Würdemann avec l'U-506. Désormais, il n'était plus seul. Aussitôt les opérations de transbordement commencèrent. A 11 h 32, Hartenstein pouvait envoyer un message au B.d.U. :

"7721 rencontre avec U-506. Transbordé 132 Italiens, 131 naufragés gardés."

De son côté, Würdemann rendait compte :

"13 h 12. Transfert terminé. Vais sur le lieu du naufrage."

Le mardi 15 septembre, à minuit, l'U-506 avait à son bord plus de deux cents naufragés.

Ce même jour vers 14 heures, Schacht (U-505) apercevait plusieurs embarcations dans le carré 7-473. Il prit d'abord 35 Italiens, 20 Anglais, 4 Polonais. A 17 h 55, le nombre avait augmenté : 149 Italiens, 4 Anglais dont 2 femmes. En fait, il avait remis les Anglais dans les quatre canots de sauvetage qu'il avait en remorque et n'avait gardé qu'un officier de la R.A.F. et le 3e officier du Laconia.

   

Le 16 septembre, à 8 h 28 du matin, Marco Revedin rencontra la première embarcation chargée d'Anglais et, à 10 h 32, un autre canot. Il avait à son bord des femmes et des enfants. Les naufragés demandaient de l'eau. Les hommes du Cappellini leur donnèrent des fiasques remplies d'eau et de vin.

16 septembre. 11 h 28. Hartenstein attend l'arrivée des bâtiments français. La mer scintille. Le ciel est d'une pureté absolue. L'U-156 a sauvé la vie à plus de six cents naufragés. Soudain, un veilleur signale un point dans le 70. Un avion ... oui, un quadrimoteur. Vient-il à leur secours ?

— Évacuez la pièce avant. Faites-la recouvrir du pavillon de la Croix-Rouge, ordonne aussitôt Hartenstein, qui, la veille, avait fait coudre une croix en étamine rouge sur un drap.

A ce moment, le pont est couvert de naufragés et quatre canots chargés de rescapés sont remorqués à l'arrière. Le «Liberator» arrive au-dessus de l'U-156. Tous peuvent voir les étoiles américaines peintes sous les ailes. Pacifiquement, à 60 mètres de hauteur, le quadrimoteur dans son vacarme assourdissant évolue lentement. Un officier anglais s'offre pour transmettre un message en morse à l'américain. Hartenstein, quoique méfiant, accepte :

"Ici officier R.A.F. à bord sous-marin allemand. Il y a naufragés Laconia, soldats, civils, femmes, enfants..."

Le pilote ne répond pas et le « Liberator » s'éloigne vers le sud. Va-t-il chercher du secours?

12 h 32, l'américain revient, volant toujours très bas. Soudain, il ouvre ses soutes, se dirige vers le sous-marin, les canots, et le bombardement commence. Cinq bombes en deux passes. Elles renversent des canots de sauvetage, avarient le sous-marin. Hartenstein fait couper la remorque ; avec brutalité, il ordonne aux naufragés d'évacuer le bâtiment, de sauter à la mer. Les Anglais, les Anglaises s'exécutent aussitôt, les Italiens protestent, s'accrochent, veulent rester à bord. Plonger, plonger rapidement, échapper à la destruction, c'est tout ce que le commandant de l'U-156 peut espérer...

 

A 13 h 45, Hartenstein se retrouve seul avec son équipage par cinquante mètres de profondeur. Périscopes faussés, coincés, batteries vidées ou endommagées, ballasts crevés. Aussitôt, il fait réparer. « Très bon travail du personnel technique », note-t-il sur son livre de bord. 21 h 42, la nuit est venue ; il refait surface et, pour la première fois depuis plus de cent heures, il peut respirer librement, sans naufragés, sans être attaqué, sans autre souci que d'aviser le B.d.U. de ce qui est arrivé. Hélas ! sa radio est avariée: On la répare. A 23 h 4, un message peut être envoyé :

"Hartenstein. Stop. Liberator américain nous a bombardés cinq fois avec quatre canots chargés malgré un pavillon avec croix rouge de 4 m? Stop. Altitude était de 60 mètres. Stop. Les deux périscopes endommagés. Stop. Arrête sauvetage. Stop. Tout le monde enlevé du pont. Stop. Vais à l'ouest pour réparer. Stop. Hartenstein."

Ce message devait parvenir boulevard Suchet le 17 septembre, à 0 h 40. LUI-505, l'U-506 — ce dernier, bombardé par le « Liberator », avait pu plonger — avaient continué le sauvetage. A 1 h 40, le 17, les deux sous-marins étaient informés par le B.d.U. du bombardement de l'U-156.

Le Tommy est un porc (sic). La sûreté du sous-marin ne doit en aucune circonstance être risquée. Aucun risque à prendre, sans égard, même celui d'arrêter le sauvetage. Pensez qu'une protection des sous-marins par l'ennemi est complètement hors de cause. Schacht et Würdemann donnez position.

A 3 h 06, Schacht répondait qu'il avait à son bord 129 Italiens, 1 officier anglais, 16 enfants, 15 femmes, qu'il remorquait sept canots avec 330 rescapés, dont 35 Italiens, tandis que Würdemann, à 3 h 30, signalait :

"Me trouve avec canots Qu.9690 à bord 142 Italiens, 9 femmes et enfants. Pas d'avion en vue."

A 5 h 50, le B.d.U. faisait aux deux sous-marins de plus pressantes recommandations :

Les sous-marins doivent toujours être prêts à plonger et entièrement libres pour combattre sous l'eau. Naufragés qui sont à bord sont à donner dans les canots. Gardez Italiens à bord, allez sur les lieux de rendez-vous Qu.FE 9695 et là-bas les donner aux Français. Attention devant attaque ennemie avions et sous-marins.

 

A ce télégramme, on devinait la colère de Doenitz quand il avait appris le bombardement de l'U-156 alors qu'il sauvait les naufragés du Laconia. Aussitôt, il avait rédigé un ordre du jour général pour tous les sous-marins en mer à l'exception de ceux des meutes. Cet ordre — l'ordre « Triton Nul ! » — Doenitz ne voulut pas, cependant, le diffuser immédiatement. Pour le transmettre, il attendit que les naufragés du Laconia fussent donnés aux Français. Ceux-ci arrivèrent le 17 au matin sur les lieux, très étendus maintenant, car les embarcations ou les groupes de canots s'étaient dispersés. Entre l'U-505, l'U-506 et l'Annamite d'abord, le Gloire ensuite, le transbordement des naufragés eut lieu. Les tubes lance-torpilles des U-boote étaient dirigés vers les bâtiments français. Au moindre mouvement vers un canon, les torpilles auraient été lancées. De son côté, le Dumont-d'Urville prenait les naufragés du Cappellini. Les navires français rencontrèrent aussi des embarcations surchargées et prirent à leur bord leurs passagers.

Sur les 2 732 membres de l'équipage et passagers du Laconia, dont 1 800 Italiens, 1 039 furent embarqués sur le Gloire, qui arriva à Casablanca le 25 septembre, 42 sur l'Annamite.

Deux canots, après trente jours de navigation, touchèrent les côtes d'Afrique, l'un avec seulement 16 rescapés sur les 68 naufragés qu'il contenait au départ, l'autre avec 4 survivants sur 51. En tout, 1 101 passagers du Laconia survécurent.

On reparla du Laconia au procès de Nuremberg…

 

   

  Commandant Werner Hartenstein
né à Plauen le 27 février 1908

Il a commencé sa carrière navale en avril 1928. Il sert quelques années sur le croiseur léger "Karlsruhe" et sur différents torpilleur, sur lesquels il accompli 65 patrouilles dans les premières années de la guerre. En mars 1941 il est muté dans la flotte sous-marine.

Le 4 septembre 1941 il reçoit le commandement du sous-marin  U-156. Lors de sa seconde mission, il attaque avec son navire, au canon, la raffinerie sur Aruba dans la mer des Antilles. C'est lors de sa quatrième patrouille qu'il contribue à l'organisation des secours aux survivants du Laconia, action qui lui vaut de recevoir la plus haute distinction allemande, la Croix de Chevaliers.

Le 8 mars 1943 U-156 est coulé avec tout son équipage lors de sa cinquième patrouille par un avion de marine des Etats-Unis à l'est de la Barbade.

A son palmarès, il compte 19 navires coulés pour un total de 92,133 tonneaux et 4 navires endommagés pour un total de 20,001 tonneaux.

 

 

 

B. L'attaque de Scapa Flow
(octobre 1939)

Extrait de « La bataille des océans, les dossiers de 1939-1945 »

 

La tension était grande à bord de l'U-47.

Le capitaine Günther Prien, qui commandant le petit sous-marin allemand, fixait attentivement à travers son périscope les rochers qui lui faisaient face. Tous les moteurs avaient été arrêtés.

L'embarcation balançait de gauche à droite. Car la mer était passablement houleuse. La pointe du périscope qui perçait les vagues était invisible. Il n'y avait aucun danger d'être repéré. A moins qu'un rayon de soleil ne vint frapper les glaces de l'appareil, trahissant ainsi la présence du sous-marin. Fort heureusement, il n'y avait pas de soleil aujourd'hui.

 

C'était une triste journée d'arrière-saison que ce 13 octobre 1939. La guerre avait éclaté voici un mois à peine. Les combats en Pologne étaient terminés. A présent, c'était seulement sur la ligne Maginot que les armées ennemies se trouvaient face à face. Toutefois, là aussi, c'était le calme complet. Les seuls événements se déroulaient sur mer. En effet, les sous-marins allemands chassaient les navires britanniques dans toutes les eaux. De son côté, la flotte battant pavillon de Grande-Bretagne cherchait, sans arrêt, à découvrir les submersibles ennemis.


 
Xxxx
  Quelques jours auparavant, le capitaine Günther Prien avait reçu la mission de sa vie.

Si vous réussissez, ce sera une belle page à votre dossier, lui avait-on dit. Prien l'avait très bien compris. Il avait étudié tout un jour et une nuit les cartes avant de donner sa réponse définitive à Karl Doenitz.

— C'est un coup d'audace, mon cher Prien. Si vous ne vous sentez pas capable de le mener à bien, n'hésitez pas à le dire. Et ne perdez pas de vue qu'il y a un danger certain à l'entreprendre.

Doenitz avait, en effet, appelé le capitaine Prien auprès de lui. C'était après un raid dans les eaux britanniques. Il lui avait montré une carte. Le coeur de Prien avait battu un peu plus vite. Il avait parfaitement lu au-dessus du schéma : «Scapa Flow».

Scapa Flow était le port d'attache de la flotte britannique. Tout marin connaissait, au moins de nom, cette base imprenable, protégée par des rochers et d'énormes fortifications.

 

— Voulez-vous tenter de pénétrer dans Scapa Flow et envoyer la plupart des navires qui s'y trouvent par le fond ?

Prien avait spontanément répondu affirmativement.
Mais Doenitz l'avait mis en garde et lui avait donné un jour de réflexion.

Prien avait donc eu tout le temps de peser le pour et le contre de l'opération. Des cartes de Scapa Flow et des rapports secrets avaient été mis à sa disposition.

Le lendemain, il avait confirmé son acceptation.

Le 13 octobre, il passait à l'action.

L'amirauté avait choisi un jour favorable. C'est-à-dire que, selon les renseignements dont elle disposait, la flotte britannique devait se trouver à peu près au complet à Scapa Flow. Si Prien réussissait à pénétrer dans la base avec son U-47, il pourrait couler, à l'aide de torpilles, un bon nombre des unités qui s'y trouvaient.

L'aventure était excitante... Toucher la flotte britannique dans un port !...

Tout le problème tenait dans la possibilité de pénétrer dans Scapa Flow. Il allait de soi que le port était sévèrement gardé. Déjà en 1914, des sous-marins allemands avaient essayé la même opération. Elle avait échoué. Mais, depuis, les Britanniques, désormais alertés, avaient miné de vieux bâtiments et avaient disséminé les épaves dans le chenal. Seuls les initiés pouvaient conduire leurs bateaux à travers ce dédale.

 

Prien disposait de cartes où l'emplacement exact du chenal se trouvait indiqué. Elles étaient l'oeuvre d'un espion allemand qui, patiemment, des années durant, avait attendu de pouvoir frapper ce grand coup. C'était un petit homme aux allures de myope. Il s'était installé, dès 1920, près de Scapa Flow. Horloger de son métier, il avait su capter la confiance de la population locale et, plus tard, aussi celle des marins qui descendaient à terre. Le travail ne lui manquait pas. Sa seule distraction était d'aller boire un verre dans l'un ou l'autre cabaret du village où il était accueilli avec sympathie. Dame ! il n'avait guère — selon ses dires — à se louer de son ancienne patrie et lorsque Hitler arriva au pouvoir, il jura de ne plus jamais remettre les pieds en Allemagne. Quelques jours avant la déclaration de guerre, il avait cependant reçu un télégramme l'avisant de la mort de sa mère. Naturellement, c'était une raison des plus plausibles pour rompre son serment. Si bien que personne n'imagina une seule seconde que l'horloger emportait dans ses bagages les plans de Scapa Flow. Pourtant, c'était le fruit de longues années de travail qu'il allait remettre à l'amirauté allemande.

Et c'est donc grâce à lui que Günther Prien réussirait peut-être à pénétrer dans le port britannique.

 

 

Le 13 octobre 1939 au soir, Prien et son U-47 se trouvaient devant les îles Orcades, d'où l'on pouvait apercevoir l'entrée du port. Le capitaine espérait maintenant qu'il arriverait à temps. Il n'était pas impossible, en effet, que la flotte britannique eut, brusquement, décidé de prendre le large. Dans ce cas, il faudrait ouvrir tout de suite le feu et tâcher de couler quelques unités.

 

 
 
L'U-47

 

Tout était cependant tranquille dans les alentours de Scapa Flow. On ne percevait aucun mouvement, sinon celui des vagues. Pour l'instant donc, il ne fallait lutter que contre les éléments. La mer était très dure et l'on se demandait avec anxiété, à bord de l'U-47, si le petit sous-marin parviendrait à tenir et si les vagues n'auraient pas raison des moteurs.

 

En temps normal, le capitaine Prien eut retardé l'opération. Il aurait attendu que le temps ce fut amélioré. Mais les heures tournaient et l'on ne pouvait jamais savoir si les projets de l'ennemi ne se modifieraient pas d'un instant à l'autre. Que la Home Fleet décidât de sortir du port la nuit et tous les plans allemands s'effondraient. Or, Prien tenait à tout prix à réussir la mission qui lui avait été confiée.

Il était environ 8 heures du soir lorsque le capitaine réunit son équipage.

Chacun à son hamac. Repos obligatoire jusqu'à onze heures précises. Après quoi, nous attaquons.

Nous n'allons tout de même pas entrer dans Scapa Flow, capitaine ?

- Si. Nous allons essayer de pénétrer dans Scapa Flow ! Les hommes se regardèrent. Quelques-uns souriaient. Puis il y eut ce cri du coeur : « Bravo ! » D'un coup, l'anxiété avait disparu.

Mais cet enthousiasme signifiait également qu'il ne serait guère question de repos. Des plaisanteries fusèrent joyeusement. Chacun se prenait déjà pour un héros. Pensez donc ! Aller tout droit dans la gueule du loup, le surprendre et le torpiller avant même qu'il ne se fut rendu compte de ce qui se passait ! Sûrement que des Croix de Fer et autres décorations seraient distribuées après un tel exploit ! Personne cependant ne songeait aux dangers que représentait cette opération. Par exemple, que les données de l'espion de Scapa Flow pouvaient être périmées ou dépassées. Des champs de mines avaient pu être posés et cela, ne pardonnait pas...


 
 
Commandant Günther Prien
   

En outre, que le chenal fût sévèrement gardé n'était pas du tout une simple vue de l'imagination. De plus, la profondeur à cet endroit n'étant pas très importante, il fallait encore compter avec le risque pour le sous-marin d'être découvert.

De toutes façons, que se passerait-il lorsque la première torpille serait lancée ? Il était évident qu'une base navale comme Scapa Flow serait rapidement en état d'alerte et que dès lors la chasse serait donnée au submersible. Qui eut pensé à ces multiples dangers eut été convaincu que le risque était réellement très grand et qu'il y avait fort peu de chances de survivre à une telle expédition.

Prien fit servir une ration d'alcool supplémentaire qui balaierait toutes les appréhensions.

Il fut minuit.

Le U-47 se dirigea lentement dans la direction du chenal. La tension était à son comble. Le capitaine regardait par le périscope pour apercevoir d'éventuels obstacles. Mais tout était calme et le port semblait totalement endormi. Nulle part on n'apercevait le moindre point lumineux. Habilement, Prien dirigea son sous-marin entre les morceaux d'épaves.

Vous vous dirigez mieux que n'importe quel Anglais, fit quelqu'un en riant.

Mais Prien n'avait pas le temps de répondre.

Il était 0 h. 28, le 14 octobre 1939, lorsque le premier bassin du port fut atteint. Le capitaine examina les eaux dans lesquelles devaient se trouver les navires. Mais où qu'il portât son regard, il ne découvrait que quelques vieilles unités et des bâtiments désaffectés.

 

Les Britanniques auraient-ils...?

 


Le cuirassé "Royal Oak"
   

Mais non, l'encouragea son second, la Home Fleet se trouve certainement dans le deuxième bassin.

La force des moteurs avait été réduite de moitié afin de faire aussi peu de bruit que possible.

Quelques navires, effectivement, étaient ancrés dans le deuxième bassin.

Regardez ! Jubilait-on. Le « Royal Oak » !

 

Le « Royal Oak » était un vieux cuirassé mais qui faisait encore toujours la fierté de la flotte britannique. Prien discerna derrière lui un porte-avions. C'était le « Pegase », mais le capitaine l'identifia comme étant le « Repulse ».

Mais il n'y avait pas d'autres navires. Sauf quelques petites unités sans grande importance. C'était comme si la Home Fleet s'était évadée quelques heures à peine avant l'arrivée de l'U-47.

Pour Prien, c'était l'échec.

De toute manière, il y avait encore moyen de mettre le vieux « Royal Oak » hors combat et en même temps que lui, ce que le capitaine pensait être le « Repulse ».

Il était 0 h. 58 lorsque les quatre torpilles furent prêtes à être lancées. Prien avait prévu trois torpilles pour le « Royal Oak » et une pour le soi-disant « Repulse ».


 


Feu !

 

Les torpilles fusèrent en sifflant, se frayant leur route dans l'eau. Quelques secondes plus tard, des fontaines d'écume blanche jaillissaient. Mais les objectifs n'avaient pas été atteints.

De nouvelles torpilles furent envoyées dans la direction du «Pegase », qui pour Prien était toujours le « Repulse ». Si bien que jusqu'à la fin de la guerre, les Allemands demeureraient toujours convaincus d'avoir coulé le « Repulse » et non le « Pegase ».

 

   

Cette fois, les coups portèrent.

Toutefois, tout restait calme à Scapa Flow. Prien, n'y comprenant rien, continua à tourner dans le port pendant plus de vingt minutes. Aucune alerte ne fut donnée. On n'entendait de bruit nulle part. Il semblait que le port tout entier était désert.

A 1 h. 23, le U-47 fit surface et envoya à nouveau quatre torpilles en direction du « Royal Oak ». I1 peut paraître fou de se montrer ainsi au milieu d'un port ennemi mais l'absence de toute réaction enhardissait Prien. Il lança quatre nouvelles torpilles. Cette fois, il avait fait du bon travail. L'eau giclait de tous côtés.

A présent, le bassin s'animait. Des sirènes d'alarme se mirent à mugir, on entendit des cris, des appels. L'alerte était donnée. Une auto arriva sur le quai et alluma ses phares, qui éclairaient encore le périscope lorsque le sous-marin disparut sous l'eau.

La chasse à l'U-47 commença.

 

Des signaux en morse furent émis de différents destroyers. Quelques petits navires s'élancèrent. Mais le U-47 avait de l'avance. Il se dirigeait adroitement entre les épaves et les champs de mines. La tension à bord de l'U-47 était devenue intolérable. La sueur perlait au front de tous les hommes. A chaque instant, une torpille pouvait toucher le fragile submersible. Les moteurs tournaient à plein. Ce fut une retraite téméraire. Le sous-marin courait deux grands risques : les mines et la poursuite des autres navires. Toutefois, cette fuite infernale ne dura pas, en réalité, la moitié du temps que ne le supposait l'équipage. Le signal fut donné indiquant que l'on se trouvait en haute mer et par conséquent en sécurité relative, le sous-marin étant désormais plus difficilement repérable.

Dans le port de Scapa Flow, le port d'attache imprenable de la Home Fleet, le « H.M.S. Royal Oak » coulait lentement. L'équipage de plus de mille hommes, qui dormaient paisiblement lorsque les torpilles ricochèrent sur le blindage du navire, n'eurent qu'une idée : sauver leur vie. Le cuirassé coula avant même qu'un seul coup de canon ait pu être tiré, ni qu'il ait pu être dirigé vers la haute mer. Le coup était dur pour les Britanniques. Par contre, les Allemands chantaient victoire et glorifiaient l'héroïsme de Günther Prien.

L'incident de Scapa Flow avait été l'occasion de déceler la faiblesse dans la défense britannique : la flotte invincible pouvait être touchée par les sous-marins allemands que l'on avait si longtemps tournés en dérision. Certes, l'opération allemande n'avait pas eu les résultats escomptés. Toutefois, c'est par hasard que la Home Fleet avait été épargnée. Les navires avaient, en effet, quitté Scapa Flow peu de temps avant l’arrivée du U-47. Mais on peut se représenter le désastre si Prien avait trouvé en face de lui d'autres bâtiments que le « Royal Oak » et le « Pegase ». C'est-à-dire les dizaines d'autres croiseurs et cuirassés habituellement à l'ancre dans Scapa Flow et qui tous eussent été coulés ou au moins endommagés.

En mettant les choses au mieux, l'alerte eut été plus rapidement donnée et il est fort probable que, dès lors, ni Prien, ni son équipage n'eussent quitté le port britannique vivants. Mais, de toutes façons, cela n'aurait fait ni chaud ni froid aux fanatiques nazis, toujours prêts à donner leur vie pour assurer la victoire de l'Allemagne.

 

   

 

L’U47 dans le port de Kiel le 24 octobre 1939 10 jours après le raid sur scapa flow. Le Korvetten Kapitän Prien se tient en haut de la baignoire sur la gauche.

   

Günther Prien et le fameux insigne du Taureau apposé sur son U-boot.

Fort heureusement pour les Britanniques, la Home Fleet se trouvait en mer. Et non moins heureusement pour Prien, qui rentra sain et sauf de l'expédition et fut désormais considéré comme un héros.

Cependant, si le U-47 avait pu si facilement disparaître, alors qu'il était resté plus d'une demi-heure dans les eaux britanniques, c'est que l'amiral et le commandant à bord du « Royal Oak » ne s'étaient pas rendus compte que les explosions qu'ils avaient entendues étaient celles de torpilles s'écrasant sur le bâtiment.

Quant aux postes de garde qui, eux aussi, avaient été réveillés par les explosions, ils avaient pensé qu'elles étaient dues à l'échappement de vapeur de quelque chaudière.

En fait, personne n'avait prêté la moindre attention à ces bruits. Tout le monde, au contraire, était bien persuadé que Scapa Flow était une base inexpugnable et qu'imaginer seulement qu'un sous-marin put y pénétrer relevait de la pure Utopie.

Voilà la raison pour laquelle l'alerte ne fut donnée que lors de la troisième salve. A ce moment, le U-47 avait accompli sa mission et avait disparu sous les vagues avant de se perdre dans l'océan.

 

Cet incident ouvrit donc les yeux aux Britanniques sur le danger des sous-marins. A l'avenir, l'on s'efforcerait de détecter au plus tôt ces ennemis invisibles, capables de porter les coups les plus graves à la flotte alliée.

En Allemagne, également, l'on prit conscience de l'importance des submersibles.

Après cette action d'éclat, Doenitz obtint une importante promotion et fut nommé contre-amiral.

 


 

 
 

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